Il erre comme une âme en peine sur le
bord des terrains, blessé au propre comme au figuré. Capitaine
abandonné, Etienne repense à Gold, ce groupe des années 80 qu’il
a tant aimé, allant même jusqu’à taguer le nom de ses idoles sur
sa combinaison de surf préférée. Les premières paroles de cette
chanson, « Capitaine abandonné » justement, disaient :
« Ils sont partis pour gagner… Ouh ouh ouh… mais ils ne
sont jamais rentrés… Ouh ouh ouh… ». En effet, depuis le
début de saison, la Deuze n’est jamais rentrée dans ses matchs et
Etienne, l’œil luisant de larmes, n’y peut rien changer,
amoindri par les défaillances de son dos, un dos malmené dans sa
jeunesse par l’abus de jerk sur les pistes de danse bordelaises.
S’il pouvait, il s’arracherait les cheveux. Mais même ça, il ne
peut pas, pour des raisons de patrimoine capillaire défavorable.
Il ronge son frein, Etienne, père
courage plein d’abnégation, constatant qu’Alexandre, Dorian et
JP peuvent se targuer d’un meilleur bilan à la presque fin des
matchs allers. Même Jacques, avec son équipe de scouts et de vieux
(des grognards qui n’aiment rien tant que célébrer la victoire
sous les douches, transformant en hommes des jeunes garçons encore
naïfs), peut se vanter d’un démarrage plus flatteur.
Il se demande quelle politique adopter
pour inverser la tendance. 3 défaites contre 1 victoire, c’est
trop peu pour espérer jouer les premiers rôles dans une poule
dominée par des terreurs d’un autre monde (le monde des C et des
B, inaccessible).
Il a songé à la
politique de la terreur (« Si vous continuez comme ça, vous
irez faire des pompes chez JP et lui baiserez les pieds pour avoir
le droit de ramasser les volants ! »), la politique des
bisous (« Oui, mon Laurent, tu peux te permettre de perdre
contre un NC tant que tu lui prends un set ! »), la
politique de la récompense (« Anthony, si tu gagnes le premier
set, je te paye une bière et une clope avant de commencer le 2ème
set »), la politique de la flatterie (« Séverine,
Céline, vous êtes belles quand vous transpirez ensemble ! »),
la politique dite « Erasmus » (« Klara, ich bin
dein Kapitain ! »), la politique du coup bas (« Guillaume,
je te promets que tu joueras plus dès que j’aurai trouvé le moyen
de virer tous ces baltringues ») ou encore la politique de la
préférence des grands vétérans (« Bruno, dans tes doubles
avec Séverine ou Anthony, j’ai bien vu que c’est toi qui tenais
la baraque grâce à ton immense expérience »).
Pour le moment, il prend le parti de la
colère froide, de la résignation temporaire, du recours aux
marabouts de Barbès qui lui prédisent un grand avenir de manager
d’équipe une fois de retour sur les terrains. La Deuze a besoin,
peut-être, de toucher le fond pour rebondir. Mais, pour le moment,
tel un volant qui atterrit sur une surface synthétique, la Deuze ne
rebondit pas bien haut. Après en avoir parlé avec Radouane qui lui
suggère la politique du coup de trique ou de la spiruline, il compte
désormais sortir son joker : « Capitaine abandonné »,
l’hymne fédérateur, celui qui fait monter les larmes aux yeux. Au
pire, ça lui rappellera ses années jerk à Bordeaux…
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